Tous les gourous du leadership accordent une place d’importance à la confiance. Mais force est de constater que si beaucoup d’organisations en clament l’importance, peu en font leur credo. Catalyseur d’énergie collective, la confiance permet l’excellence car elle impose un cercle vertueux d’amélioration pour devenir meilleur.
La responsabilité du leader est de cultiver la confiance comme valeur centrale des organisations. Tous les dirigeants ou presque sont évalués sur leurs résultats financiers. Très peu sont évalués sur leur capacité à développer un climat de confiance. Il est grand temps de rétablir l’équilibre !
Programmés par défaut sur la non-confiance
A la base même du fonctionnement de coopération de nos sociétés humaines, la confiance est également une prise de risque. Dans nos sociétés qui valorisent la sécurité, nous oscillons entre défiance et confiance, entre prudence et lâcher-prise, agissant avec précaution.
Pollués par un siècle d’hégémonie du contrat de travail et de son lien de subordination, ménageant la chèvre et le chou, nous avons encouragé la pratique de « la confiance managériale conditionnelle et à sens unique ». Pour que notre manager nous octroie sa confiance, nous devons la mériter, souvent dans un climat de scepticisme, de peur et de mise à l’épreuve. Après cette étape, quand on réussit, c’est le Graal… remis régulièrement sous l’épreuve du feu.
Exiger de quelqu’un de « gagner » sa confiance, c’est une vision élitiste des choses
La confiance à sens unique, ce n’est pas de la confiance. C’est le renforcement d’une organisation de pouvoirs. La véritable confiance est une relation d’interdépendance qui crée ce sentiment de sécurité permettant à chacun d’être authentique, d’essayer, d’exceller. Elle autorise les faux-pas, s’en inspire pour s’améliorer. Elle est un élément clé d’une culture d’entreprise forte et résiliente. Que d’opportunités manquées pour le privilège de certains!
La confiance ne tombe pas du ciel !
Evoluer de la défiance vers la confiance exige une attitude volontariste axée sur le positif : changer de posture et déplacer le regard de soi vers l’autre. En reprogrammant nos organisations sur un mode « confiance par défaut », nous valorisons des relations équilibrées entre tous, où l’authenticité, le lâcher-prise et la prise de risque sont au cœur du concept. C’est évoluer d’une voie à sens unique (« ce que j’attends de toi ») vers un espace de mise à disposition (« ce dont les autres ont besoin »).
Le climat de confiance, c’est le terreau qui imprègne cet espace de sécurité où chacun recevra ce dont il a besoin.
La confiance brille par son absence dans nos systèmes de mesure
Nos entreprises sont devenues des temples de la performance, avec leur cortège d’indicateurs pour l’objectiver, la quantifier, la mesurer, l’évaluer. Mais à force d’indicateurs de performance, nous nous tirons une balle dans le pied. Certains dirigeants stimulent la compétition interne afin d’accentuer les performances, nos entreprises continuent de valoriser des comportements toxiques au détriment de la performance globale en célébrant les gens qui obtiennent des résultats, y compris celles en qui on n’a pas confiance.
Nous calibrons le succès d’une entreprise sur l’évaluation de sa performance immédiate sans toujours nous soucier de la qualité du terreau qui favorise une performance durable. Se concentrer sur la confiance avant la performance accroît la probabilité qu’une équipe fonctionne durablement à un niveau élevé.
Les systèmes de mesure et d’évaluation sont des leviers forts de modifications culturelles. Si nous voulons transformer nos entreprises en des entreprises programmées sur la confiance par défaut, il nous faut mettre en évidence, valoriser et encourager la confiance.
Mais ne serait-ce pas accorder une part trop belle aux sentiments ?
L’alignement des comportements dans une attitude volontariste
Alors que nous sommes rôdés à l’évaluation de la performance, nous nous sentons démunis dans la mesure de la confiance, réalité à priori subjective et difficilement palpable. Pourtant, certaines organisations y parviennent. Car si le concept de confiance peut paraitre « sentimental », flou, mal défini et peu objectif, il n’en est rien. De nombreuses études ont analysé les éléments essentiels à la confiance. Considérer ces éléments constitutifs de la confiance permet de rendre le concept plus appréhendable et même facilement mesurable.
(1) La Crédibilité qui combine la compétence et la capacité de jugement
(2) L’Authenticité, qui garantit une interaction avec le vrai « moi », sans masques, jugements, egos ou agendas cachés.
(3) La Cohérence entre la personne, son discours, ses actes, ses valeurs, la capacité d’une personne à tenir ses engagements
(4) L’Empathie, qui oriente systématiquement le regard vers l’autre plutôt que vers soi.
(5) L’Intégrité, cette adhésion ferme à un code de valeurs morales partagées
Lorsque l’ensemble des personnes d’une organisation s’attelle à interagir de manière crédible, authentique, cohérente, empathique et intègre, nos organisations deviennent ces espaces de sécurité, au sein desquels chacun peut exprimer sa vulnérabilité. On ne craint plus de demander de l’aide, de faire librement circuler l’information, d’assumer un comportement, de reconnaître une erreur. Et c’est au sein de ces espaces que le collectif pourra être innovant, force de proposition et performant.
Il est donc tout à fait possible de mesurer, d’évaluer et de comprendre le climat de confiance qui règne au sein de nos organisations, ainsi que la contribution individuelle de chacun à la création de cet Eden.
Le rôle de nos leaders
Valoriser la contribution des collaborateurs au projet de l’entreprise et favoriser la responsabilisation et l’autonomie des équipes requièrent de cultiver ce climat de confiance, d’éveiller sa sensibilité à l’autre pour comprendre et oser faire avec l’autre.
La raison d’être du leader est de mettre les énergies en phase pour créer ce climat, d’encourager chacun au sein de l’organisation à jouer ce rôle actif dans la création de cet espace de sécurité : La confiance que les autres ont en moi, à quel point mes collègues s’appuient sur moi, l’influence positive que j’exerce sur les autres membres de l’équipe, ma contribution à la collaboration.
Le leader est responsable de positionner la confiance au cœur de la culture d’entreprise. Les gens feront confiance à leurs dirigeants si ce qu’ils font leur donne ce sentiment de sécurité.
Tous les dirigeants ou presque sont évalués sur leurs résultats financiers. Très peu sont évalués sur leur capacité à instaurer un climat de confiance. Il est grand temps de rétablir l’équilibre !